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Henry War
3 mars 2023

Inéquité des préventions selon l'âge

Chez nous, c’est sans nul esprit de discernement, sans même en avoir conscience, qu’on critique les personnes en fonction de leur âge et non de leur être : ce qu’on permet à des gens « expérimentés », on le réprouve chez les jeunes, et l’on estime que c’est juste, ou plutôt on ne s’interroge pas si c’est injuste. J’ai souvent remarqué comme les personnes plus âgées tiennent comme un privilège de pouvoir par exemple s’exprimer familièrement dans leur métier ou y commettre quantité d’erreurs, mais déjugent leurs jeunes collègues qui s’expriment à leur façon ou commettent de semblables bévues. Je ne manque pas de constater combien toute hiérarchie en général est défavorablement prévenue contre l’incomplétude de la jeunesse et se montre au contraire permissive à l’égard des anciens sans qu’il soit même encore question de pitié (c’est que je ne parle pas des « personnes âgées ») – une administration, en particulier, n’ose presque jamais intervenir contre un employé sans histoire au-delà d’un certain âge, parce qu’elle ne veut pas désavouer l’appréciation qu’ont pu rendre ses prédécesseurs et risquer ainsi la responsabilité d’une sorte d’aberration critique dans un dossier administratif.

Il est notamment à peu près impossible qu’un homme jeune présente dans notre société l’image d’un homme sage et complet : on le lui dénie, il n’a pas assez « fait ses preuves ». Moi-même, mon image s’épanouit dans ma profession à mesure que mon apparence vieillit : ce que j’y fais aujourd’hui et qui n’aurait pas été accepté il y a dix ans, qu’on aurait considéré comme une expression de vanité, est à présent jugé la conséquence d’un audacieux professionnalisme. Il faut mettre franchement en garde la jeunesse contre ce qui ne lui sera pas permis à cause de son apparence, et la mettre en état de se défendre, lui montrer que ceux qui réclameront qu’elle soit si tôt exemplaire sont médiocres et bénéficient de leur ancienneté comme bouclier social.

Or, comment cela se fait-il, cette injustice ? C’est probablement que l’âge veut profiter de son pouvoir, puisqu’elle sait la jeunesse craintive, influençable, mais surtout en position de faiblesse : il est assez sinistre mais très conforme à la nature du Contemporain d’étendre une puissance que la « morale » unanime vous octroie : il est facile ainsi d’obtenir une autorité sans avoir à la justifier par de supérieures vertus. Peut-être l’Ancien a-t-il aussi conservé le souvenir cuisant de ses souffrances de jeunesse quand on le jugeait sur des vétilles ; il veut à son tour se « venger » de son ancienne peine en la figurant « normale » c’est-à-dire légitime. La contrainte qu’on a subie, au lieu de l’abroger, souvent on la reproduit quand la force est de son côté, en particulier quand on n’en a pas été défendu et que la sensation du « litige » perdure.

Une autre raison de la différence de traitement selon l’âge est la plus froidement dure : c’est que si le Contemporain devait admettre qu’un jeune homme n’était pas automatiquement moins bon que lui, alors il se demanderait à quoi a servi son expérience, ce qui lui serait sans doute fort humiliant. Se représenter que la jeunesse est nécessairement défaillante et doit passer par certaines corrections pour atteindre à son niveau, voilà ce qui le console dans ce qu’il est devenu… ou plutôt dans ce qu’il n’a pas réussi à devenir. La condescendance, ou un regard de soupçon, lève opportunément le problème de la différence d’être entre deux personnes d’âges distincts : « Nous ne sommes pas d’accord, mais il est jeune, par conséquent il a beaucoup à apprendre – ergo j’ai raison. »

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Commentaires
A
Ceci étant, en tant que 'senior" on m'évacue pour des raisons qui semblent fort être comparables à ce que vous démontrez envers les jeunes. Je dois être fantôme et n'errer dans le présent qu'à la recherche d'un abri à spectre en attendant l'Ehpad, dans la productive (euh ?) république. Il y a toujours de bonnes raisons d'aiguiser les uns contre les autres et je crois que malheureusement chacun y met du sien. L'avers de l'individu et de ses droits qu'il pense universels et inaliénables et le laisse fondre dans un libre abandon de sa superbe déchue. Au suivant !
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