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Henry War
8 avril 2023

Avantage de la pornographie

L’avantage de la pornographie, pour autant qu’on ait encore l’imagination minimale de s’identifier aux personnages d’un film, c’est qu’en multipliant virtuellement les situations et les partenaires sexuels, on obtient plus aisément dans la réalité la satiété d’un compagnon unique. En effet, ce qu’on cherche dans l’adultère, c’est l’excitation de la variété des conquêtes, au point que certainement un amant seul, rencontré souvent, causerait lui-même de l’ennui ; or, cet ersatz des yeux, accompagné souvent de sensations supplémentaires, peut suffire à tromper l’instinct de puissance qui pousse à courir un grand nombre d’images sexuelles et à s’en croire valorisé : par la pornographie, on se sent avoir vaguement acquis toutes sortes d’hommes ou de femmes, et la sorte de fatigue qui nous en reste confirme un peu cette illusion ; l’excitation chez l’homme redescend après l’assouvissement, après quoi lui revient inévitablement le temps des affaires, et l’on retourne à l’épouse ou au mari avec l’impression d’une nouveauté agréable, parce qu’il faisait longtemps qu’on n’avait pas fantasmé par exemple sur une femme ronde ou sur un père de famille, découvrant alors, si l’on a l’occasion d’y réfléchir, que l’insatisfaction ne provenait pas tant de la lassitude d’un corps connu que de la frustration née du désir de changement.

 

P.-S. : Si mes calculs sont exacts, je crois que bien des Contemporains s’étonneront ou se scandaliseront qu’il puisse y avoir pour moi, entre la consultation de fictions et la sensation de vivre ce qu’elles racontent, une si faible différence, au point qu’on puisse prétendre, ainsi que j’ai fait, qu’un film ou qu’un livre assouvisse les émotions qui y sont représentées, comme si traduire bien une situation permettait à son public d’en faire à peu près l’expérience : je ne doute pas qu’une telle assertion paraîtra un paradoxe plaisant, voire une décadence, à ceux qui estiment par proverbe qu’il faut toujours vivre in situ pour contenter l’envie. Or, ces gens sont dénués d’imagination assez sensible ou d’intellection assez profonde pour recevoir l’influence de la représentation d’un phénomène, ils n’intériorisent rien, sont surpris qu’un récit transforme son lecteur comme s’il était un témoin ou qu’un esprit normal et simplement complet ressente l’émoi d’une situation imaginaire presque aussi exactement que s’il l’avait directement vécue – et j’ose même dire : davantage que s’il l’avait vécue, oui, bien davantage si le narrateur sait en transmettre plus de sensations et de réflexions que les clichés superficiels et prévus que le spectateur ordinaire en tire pour avoir, avec si peu d’originalité et d’intégrité, vu ou fait ceci ou cela en s’étant juste « déplacé quelque part » avec une mentalité conditionnée : or, cette aptitude à faire éprouver plus que le constat direct et réel est précisément dans une œuvre, fût-ce l’œuvre pornographique, ce qu’en général le Contemporain n’est plus en état de comprendre, et ce qu’au juste on appelle : Art.

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