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Henry War
27 août 2023

Martyre pugnée

Je crois en la primalité de la volonté sexuelle.

J’y crois, il faut l’entendre comme : l’émotion inhérente à la sexualité me paraît pure et inaliénable. J’y crois pour attribut, pour couleur, pour principe, pour essence, pour qualité, pour énergie issue de soi, pour puissance consubstantielle, une origine, un foyer, un élémental et une incandescence rouge au centre de la géode cordiale. Au contraire de presque tous les affects et sentiments, je considère cette vie intérieure comme réelle, établie, infalsifiée ; c’est une vérité humaine fiable pour débuter l’exploration de « l’âme humaine ». Je l’estime profonde, vérifiée et ne veux présumer de rien d’autre. Je tiens à ne rimer que sur des certitudes ; or, je ne dispose que de cela de véritable et d’universel, de l’être : homme et femme sont de très étroits vecteurs de volonté sexuelle, et ceux qui n’ont pas la ferveur intrinsèque, immanente, du plaisir sexuel, sont dénaturés au-delà de l’humain. C’est tout ce que je veux admettre d’humain pour l’heure, en un sens positif et actif, générateur, au-delà de tout ce par quoi il est négation et effet.

Si je m’en tiens à ce que je sais de l’homme, à ce qu’il m’a démontré, pour l’instant je dirais seulement que c’est le porteur de fonctions organiques qui induisent des agréments et des importunités, et qu’à part ces rudimentaires sensations – plaisirs et douleurs – où l’imagination et la créativité tiennent peut-être une place assez faible – mais j’ai probablement tort de négliger aussi vite ces domaines initiaux de l’existence intérieure, simplement j’ignore comment m’en servir pour les poétiser –, le sexe tient une place capitale et constructive, par l’intensité surtout des phénomènes qu’il procure au sujet, dans la conception qu’il se fait de son indépendance et la matérialisation de son rapport à autrui.

Par le sexe, il dispose d’un accès à volonté au plaisir, et c’est un plaisir immédiat qui se passe d’interprétation culturelle, qui ne nécessite pas de recours à des représentations, j’entends que si ces interprétations et représentations associées à des facultés de l’esprit peuvent servir à compléter un fantasme et à accompagner l’orgasme, elles ne sont pas nécessaires. Le corps, lui, est indispensable, et non seulement le corps mais ce corps-ci, un corps humain. Je suppose ainsi qu’à travers le monde, un certain nombre de compétences physiques, déployées avec endurance et proportion, font un excellent amant cosmopolite si son partenaire consent à se déprendre de préjugés et de traditions locaux. Je n’en suis pas tout à fait sûr, à vrai dire, mais comment peut-il exister un lieu où l’homme serait insensible à une fellation attentive et rigoureuse, et la femme inaccessible à l’extase par une stimulation manuelle consciencieuse et précise ? Je doute d’un tel lieu et d’une telle civilisation, à moins qu’une culture ait altéré le corps même ; et ainsi, tout ce que j’admets, c’est que je ne vois pas comment une telle différence serait possible, et, si ce l’était, pourquoi on la considèrerait davantage qu’une négligeable exception. Mais enfin, je ne connais pas toutes les civilisations, présentes et passées. Ce serait une étude à mener si possible, une recherche en tous cas, avec pour titre : « Examen des peuplades humaines où la jouissance physique se distingue nettement de presque toutes les autres. »

Je tiens le sexe une émanation primale dont l’influence déborde les sensations, innervant la pensée, structurant l’esprit, parce que, hormis l’agrément et le désagrément ordinaires, je ne présume pas d’autre origine à nos idées, notamment morales, et qui conditionnent la sociabilité. J’admets plausible que la plupart de nos sentiments authentiques, et même tous, dépendent de cette essence profonde et naturelle, de notre rapport au corps, dont douleur et plaisir modèlent tant notre psychisme et notre relation à l’existence. L’enfant avant la puberté ne ressent presque que des plaintes physiques avec des satisfactions de tête : il a faim, mal, n’a pas ce qu’il désire, ou il est soulagé d’un besoin, diverti, rassasié. C’est un être à qui il manque une dimension de la réalité : la jouissance sexuelle, complément indispensable pour comprendre la source foncière du rapport à l’autre, avec ces codes transmis. Un humain qui n’est pas pubère n’est pas complet socialement : il vit dans une théorie des rapports, mais il n’admet pas, notamment, la sourde et puissante intimité nucléaire des individus, et la manière dont il est susceptible d’interagir avec elle, ces remuement et excitation constamment potentiels du plaisir de quelqu’un qui constitue concrètement une perspective et un accès à l’intérêt des personnes qu’on fréquente. Un enfant accorde une place prépondérante à l’amour qu’il inspire, il peut vouloir prendre une importance en son environnement par la façon dont il s’attache les sentiments de son entourage, mais dès qu’il perçoit les bienfaits fondamentaux et égoïstes de la sexualité et les associe au domaine des satisfactions réciproques, il considère d’abord autrui dans sa dimension de partenaire de sexe, l’assimilant ou l’éliminant, et la considération du lien amoureux devient souvent secondaire, et presque un moyen, un instrument de séduction pour atteindre au projet sinon d’un profit sexuel, du moins d’un partage de sexe. C’est en quoi je reconnais la sexualité plus pure que l’amour : elle peut être tactique, elle n’est jamais stratégie, et l’on ne saurait beaucoup déformer, modifier, adultérer sa perception des plaisirs sexuels intrinsèques à une conformation physique commune, tandis que l’amour est un concept qui dépend de beaucoup de paramètres abstraits et culturels dont le désir sexuel est un constituant important, probablement majoritaire, et peut-être unique. Autrement dit, je ne pense pas que l’amour influe sur les sensations sexuelles, mais il est évident que le sexe modifie considérablement la représentation de l’amour : cette assertion peut choquer de son apparent paradoxe (sa première partie surtout), elle demeure objectivement exact, parce qu’il est spécieux, d’un romantique uniquement proverbial et superficiel, de se figurer qu’on a besoin d’aimer pour faire bien l’amour, comme si une sexualité abondante ne se concevait pas ni ne se pratiquait derrière un écran sans connaissance du « partenaire » imaginé et observé. D’ailleurs, on aime différemment avant et après avoir découvert le champ des possibilités de la sexualité ; tout est changé, j’ose écrire : radicalement. Il suffit, pour l’entendre, de se représenter toute la différence qui existe entre plaire à quelqu’un, c’est-à-dire tâcher de lui être agréable et d’obtenir en contrepartie des témoignages de sympathie – un tel échange reste assez subjectif en ceci qu’on est toujours incertain de parvenir à l’un des deux résultats escomptés (se faire aimer dépend peu de nous, et même celui qui nous aime et qu’on aime peut facilement se tromper à sa manière de vouloir nous être agréable), – et faire jouir quelqu’un, c’est-à-dire opérer sa totale défaillance et solliciter en retour un orgasme : tout y est plus objectif, pragmatique et d’intensité presque infaillible, le don et la récompense étant de nature bien plus envahissante et établissant sur l’être une emprise à la fois plus explicite et sensationnelle (on peut facilement ignorer qu’on a plu à quelqu’un, mais il semble impossible d’ignorer qu’on a procuré un orgasme). La forme incompressible de la jouissance confère soudain une puissance extraordinaire à qui ne croyait pouvoir attirer que par la distinction platonique de sa qualité sociales ; ainsi, les moyens et les desseins de toute relation s’altèrent foncièrement ou du moins se doublent, l’homme, la femme, devient autre à la conscience de qui l’appréhende, il ne s’agit plus uniquement d’éprouver des transports par son entretien mais de l’envisager sous la perspective de la perte de sa pose et de son maintien, de sa torture irrépressible de plaisir sexuel, des actions de lubricité débridée qu’on pourrait l’inciter à exercer, et cette duplicité ou cette altérité investit le champ de l’amour plus qu’on ne pense, envahit ses principes et ses procédés, métamorphose jusqu’à sa structure et ses conventions : ou il convient d’inclure une dimension sexuelle dans tout rapport sentimental, ou il s’agit au contraire de détourner l’amour de la considération sexuelle, selon une dynamique puritaine. Il y aurait ainsi une réflexion à mener sur la façon dont l’amour tient compte de la sexualité notamment pour tâcher de la nier ou de la contourner, et je soupçonne l’amour entier, sa codification et sa teneur, de se fonder exclusivement sur l’accompagnement, le dénigrement ou la résistance de la volonté sexuelle. On y prendrait des exemples un à un – je ne sais lesquels, j’improvise –, admettons : l’offre de fleurs à une femme, et l’on essaierait de vérifier si cet acte et la conception afférente – son motif – ne sont pas en relation étroite avec l’encouragement ou la fuite d’une pensée sexuelle. On devrait bien sûr et surtout ne pas procéder par symboles, mais toujours très concrètement : la couleur, le parfum capiteux, la douceur du pétale n’évoquent-ils pas le sexe selon une extrapolation bien plus patente que métaphorique ? Est-ce qu’un homme qui tend un bouquet ne songe pas systématiquement à ce qu’il pourra en tirer de plaisir la nuit venue, au même titre que s’il invite au restaurant ? Le bouquet ne renvoie-t-il pas – mais c’est ici plus imagé, j’en conviens – à la dextérité manuelle ? Et réciproquement, ne s’éveille-t-il pas chez une femme qui reçoit des fleurs une volonté sexuelle de reconnaissance, ou de connivence, de réciprocité sue ? Et cætera : on démontrerait peut-être qu’il n’existe pas une expression ou une idée d’amour chez l’adulte qui ne tire pas sa substance d’une suggestion ou d’une intention sexuelle.

Dans le même ordre de réflexion où la généalogie de l’amour serait à sonder du côté du sexe, on peut logiquement s’interroger si, chez l’adulte ou plutôt chez l’être sexualisé (on peut certes avoir dix-huit ans, être nubile, et n’avoir pas expérimenté le profit d’un autre corps), les qualités notamment mentales qu’on recherche au caractère de l’être aimé ne sont pas en vérité premièrement des attributs propices à la sexualité épanouie : ceux de la virilité autant que de la féminité, supposant du côté mâle la vigueur physique, l’imagination et l’initiative, et du côté femelle la souplesse, la sensualité ardente et la fragilité docile, sont bien sûr des facilitateurs mutuels de jouissance, en sorte que s’opère, dans le temps de l’expérience du sexe agréablement partagé, une transposition des vertus platoniques en vertus-pour-le-plaisir, de façon profonde. C’est où je situerais la transition psychologique de l’enfance à l’être sexualisé : en l’inflexion, en le basculement rapide, de l’autre compris comme un avantage de protection élémentairevers l’autre compris comme un avantage de jouissance personnelle – un gain de puissance allant du repli des fonctions de survie vers le gain de fonctions adventices et de pur plaisir. On peut me rétorquer qu’à ce stade de maturité, c’est-à-dire après le temps des expériences sexuelles, il est encore possible d’aimer sans désirer, en quoi je suis sceptique ; c’est qu’alors il me semble qu’il s’est produit une des circonstances suivantes : ou bien une part de l’être a préféré rester au stade enfantin notamment en admettant qu’il y avait du dégoût ou du mal dans la sexualité (refus de vieillir, par exemple), ou bien l’expérience sexuelle n’a pas donné naissance à la pensée que la sexualité pouvait être épanouissante (par exemple, l’homme jugé représentatif fut maladroit), ou bien le partenaire, qui n’est pas encore bon amant et qu’indéniablement on aime cependant (ce qui constitue l’objection qu’on m’oppose), présage de potentialités d’amélioration dont on tire espoir – c’est en cela qu’on aime un homme une femme même immature pour sa disposition à tirer parti des conseils, pour sa faculté d’apprendre et d’évoluer, et l’on ne sache pas qu’un être d’une certaine expérience sexuelle poursuive longtemps la relation sentimentale avec un puceau ou une pucelle qui ne manifesterait aucune disposition au progrès (on peut associer d’ailleurs l’amour courtois à cette faculté : le chevalier est toujours quelqu’un qui manifeste sa capacité à suivre exactement et avec abnégation toutes les recommandations de sa dame… or, on devine, je pense, à quelle destination pragmatique une telle faculté peut servir !)

D’autres indices valident l’hypothèse de l’amour comme émanation intrinsèque du sexe. On me représenterait par exemple qu’une femme n’admet cette façon de considérer un homme en sa virilité séduisante, de « dévisager » ses muscles, son sexe, ses possibilités pratiques, qu’à condition qu’il ne soit pas laid : c’est ainsi m’arguer que la femme ne se figure pas la sociabilité sous l’angle premier de la sexualité. Or, comment ne voit-on pas que cela prouve justement l’inverse ? La femme a considéré et évalué d’abord l’homme dans ses dispositions à constituer un amant, et ce qu’elle fit initialement fut de le catégoriser sous le rapport de cette possibilité : qu’elle l’ait oublié ensuite, tant ce lui est habituel, ne signifie pas qu’elle ne l’a pas établi, bien au contraire ! En somme, le réflexe d’une femme à l’abord d’un homme est de le valider ou de l’invalider comme mâle sexuel, preuve qu’elle l’a immédiatement jugé sous cette perspective avant de songer s’il était autrement « aimable ». Un autre indice de l’association de l’amour au sexe, mais qui nécessite au sujet d’être conscient de ses états sans les moraliser pour ne pas les rejeter d’emblée, se distingue en s’interrogeant si, vraiment, moins de désir sexuel n’implique pas systématiquement moins d’amour. Il est aisé de constater qu’un homme ou qu’une femme très excitée sexuellement exacerbe ses transports d’amour, ce qui se distingue particulièrement chez les couples contraints de se fréquenter à distance, mais que le souci psychologique ou la satiété sexuelle, au contraire, atténue le sentiment amoureux. Une objection qu’on pourrait me faire, c’est en me représentant qu’après une relation sexuelle, quand l’homme et la femme ont joui tous deux, il peut perdurer de l’amour, ce qui par exemple se traduit par une conversation fervente et tendre, et je ne nie pas cela, seulement je veux interroger cette situation post-coïtale sous l’angle de trois circonstances : la première, c’est qu’il n’est pas rare que cet amour alors consiste plutôt en une volonté d’aimer, en une crainte de perte d’amour justement après le sexe parce qu’on sait que la retombée est un risque, en quoi il s’agit moins d’amour que d’un substitut d’amour ; la deuxième, c’est que le souvenir tout récent du sexe soulève alors évidemment une gratitude dont l’amour se nourrit, en sorte que ce n’est pas tant l’amant particulier qui réjouit que le dispensateur du service sexuel réussi et dont la puissance laisse encore des traces ; la troisième, qui me semble encore plus importante que les deux autres, c’est qu’il me paraît abusif de prétendre qu’après l’orgasme disparaît totalement le désir sexuel, y compris chez l’homme : la conversation sur l’oreiller est souvent une façon de ranimer l’envie si possible, et constitue une stimulation intellectuelle dans le but, ou l’hypothèse, d’exciter les sens et de renouveler le sexe. C’est en quoi je persiste, considérant qu’il n’est pas juste de dire : « En l’absence de tout désir sexuel demeure l’amour. », et ma théorie continue d’être valide selon laquelle l’amour est la conséquence, même la justification factice, d’une pulsion profonde et centrale en l’humain que j’appelle volonté sexuelle.

Je sais qu’on prétend aujourd’hui et depuis longtemps que la sexualité se construit aussi selon une vision, une culture, une représentation des droits et des genres, qu’il perdure quelque influence de la société dans sa réalisation et même en son agrément : elle serait également une construction psychique, de la manière que je prétends pour l’amour. Qu’on me pardonne : je ne parviens pas à m’accorder pleinement avec cette idée. On doit certes sans doute pouvoir induire par suggestion des modes de sexualité alternatifs : réalisation en pensée, pénétration exclue, ou nécessité d’un accord préalable explicite…, mais ce sont pour moi des déformations culturelles de l’envie. Je n’utilise pas les termes « corruption » ou « déviation » car il ne m’importe pas ici de moraliser des pratiques adventices ou substractives, mais je dis seulement que ce ne sont pas des envies spontanées, que l’envie ne se présente pas d’abord sous ces modalités, et qu’il existe un déroulement de sexualité universel (je ne parle pas non plus de « standard ») qui correspond directement aux stimulations physiologiques que le corps réclame bel et bien. On peut aimer le contact avec les pieds, car toute l’étendue cutanée est sensible érotiquement aux caresses, mais l’essentiel de la sexualité ne se joue pas au niveau des pieds. Toute sexualité a ses singularités, comme la syntaxe et le style d’une correspondance sensuelle, mais on ne conçoit pas un échange épistolaire sans mot et sans pensée : la sexualité, même dans ses particularités idiosyncratiques ou culturelles, comporte des invariants de nature anatomiques, très vraisemblablement. On peut certes donner l’envie de tout par l’effet d’un conditionnement, jusqu’au plaisir de s’infliger des jeûnes pénibles, de courir quarante-deux kilomètres, de se clouer les paumes ou de changer les couches sales de son fils, mais si l’on fait abstraction de ce qu’on a appris, de ce qu’on nous a inculqués, de toutes les défenses que nos « tuteurs » nous ont faites et qu’on reste incapables de justifier clairement, et si l’on se contente, dans l’oblitération de ses règles, dans l’improvisation sexuelle même, de chercher, de « tâtonner » ou plutôt de vouloir ce qui nous fait plaisir (ce qui inclut aussi le plaisir de faire plaisir), alors on trouve, souterrains, de ces pulsions bienheureuses et saines, saines parce qu’aucune morale ne les a encore censurées, saines comme les réponses que l’inné humain exécute en faveur de ce qui plaît et en opposition directe à la douleur, qui, sans inclure forcément des « abus » contre la volonté d’autrui…

– C’est vraiment une capucinade de mauvaise foi de prétendre que l’incitation au plaisir conduit toujours à la souffrance d’autrui : il n’y a guère de plaisir à blesser ou à tuer, et la liberté plaisante d’user de son corps en suivant sa constitution ne s’entend presque jamais comme le plaisir d’attenter à la liberté d’autrui. Pour le dire simplement, on peut aimer comme la plupart des hommes porter une certaine atteinte au sexe d’une femme dans la mesure où elle y incite, mais, simultanément, avoir une répugnance instinctive pour toute forme de viol caractérisé. –

… comportent une part de violence à l’origine d’un bonheur exaltant et intrinsèquement lié à notre humanité. Les sexualités masculine et féminine non pas se constituent mais bien se définissent comme une lutte physique, accomplie dans un même but, chorégraphiée en conquête à la fois personnelle et mutuelle, du plaisir suprême. Il n’existe pas un phallus qu’on fasse jouir en lui prononçant des compliments ni un vagin qu’on irrigue et qu’on gonfle en lui proposant une séance de repas-télévision. La mécanique sexuelle ne me paraît pas si relative, ou bien les corps humains naturellement seraient si différents qu’il faudrait rétablir des distinctions de race.

Il est vraisemblable que se situe au cœur comme atavique de la personne humaine une soif et une faim de certains défoulements sexuels, au même titre qu’on annihile difficilement, même par une propagande répétée, la soif et la faim physiologiques. Le sexe anatomique exige des prises par pulsions, des brutalités amorales, des frénésies instinctives, comme les résultats de sa morphologie même. On peut bien sûr les éteindre jusqu’à les refouler à la conscience, on peut les reléguer axiologiquement en les faisant appréhender pour mal et établir une hiérarchie des acceptabilités, on peut même refuser d’en discerner les causes sous-jacentes dans toutes nos relations sociales, mais on les ressuscitera bien vite par expériences si l’on permet une fois leur réalisation, comme certains sports révèlent dans les muscles le souhait de les éprouver : dans la constitution même de nos organes est inscrit la façon de les utiliser. Et une fois encore, je tiens à ne pas parler ici de psychanalyse car je ne reconnais aucun rôle authentique au symbole : le symbole n’a que des effets intellectuels parce qu’il requiert d’être intériorisé a posteriori tandis que la volonté sexuelle est l’attribut a priori de la personne ; en somme, je dirais qu’on ne peut pas ressentir le complexe d’Œdipe à moins d’avoir longtemps analysé et conceptualisé de quoi il s’agit, ce qui est tout opposé au goût immédiat qu’un homme prend dès la première fois qu’il heurte une femme consentante de son ventre et du sexe. La commotion stupéfiante qu’inflige la réalité vécue de la sexualité épanouissante entre, chez le novice, en contradiction avec l’esprit des dogmes qu’il a reçus jusqu’alors et dont la différence éthique lui fait une manière de trouble qui n’est pas tant dû à ce qu’on lui a caché la puissance des pratiques et des affects sexuels qu’à ce qu’on l’a instruit d’un ordre moral entièrement antagoniste et en flagrante infraction avec la permission et l’incitation des corps, notamment sous le sempiternel régime du « respect » et des « précautions ». On lui a donné pour exemple la sexualité sociale sans rapport avec la sexualité atavique ; on l’a instruit d’un amour tout de courtoisie et de règles, et on ne lui a jamais donné à ressentir la sueur et les nerfs du sexe : c’est pourquoi le contraste lui est un tel choc. On lui a fait admirer les chevaliers de la Table ronde de Chrétien de Troyes, et voici qu’en peu de temps, en un temps même traumatique, une force intérieure surpuissante et peu compressible lui donne à adorer la verve rougie et organique des effusions à la Sade qu’il avait été forcé de comprendre comme emprisonné et à moitié fou. En somme, homme et femme aspirent en leur corps à baiser, on ne leur apprend qu’en esprit à faire l’amour : alors, quand ils en sont à l’examen du plaisir, ils se demandent comment on a pu à ce point les détourner d’eux-mêmes et ils trouvent qu’il y a peut-être quelque chose de dégénérescent et derégressif dans leurs penchants sexuels, qu’ils feraient mieux de se contenir avant d’être sûrs de ne pas abuser, qu’ils dévient possiblement vers la perversion et l’illégalité. Une perplexité en tous cas les saisit. Un doute les assaille en tant que personnes morales c’est-à-dire en tant qu’hommes. Chez ceux qui font cette découverte ensemble, il existe un étonnement presque inquiétant de la réciprocité même des désirs ou plutôt des appétits sexuels : non seulement chacun se sent un « obsédé », mais il trouve en l’autre une obsession accompagnatrice et provocante, aberrante, incitatrice. Chacun se sent disposer, là à portée continue, d’un véritable outil d’encastrement dont il a l’envie de se servir régulièrement, mais il a longtemps appris qu’on devait se frustrer de telles pulsions, qu’on ne se comporte pas ainsi avec autrui et à plus forte raison avec ce qu’on aime, et il trouve au partenaire une personne qui non seulement consent à son instrumentalisation mais dont il est fréquemment l’instrument volontaire. Tout ceci moralement est vertigineusement confus.

Si la première sexualité est un tel bouleversement d’identité, c’est qu’à quelque terme, peu après la découverte des plaisirs licites qu’on ose investir contre des valeurs antérieurement acquises, une réorganisation morale se constitue au psychisme, selon laquelle, comme on s’est aperçu que nos plaisirs correspondaient à ceux d’une autre personne, on reconsidère la relation au genre qu’on veut ou peut séduire sur le fondement inédit de l’envie mutuelle et des plaisirs subversifs qu’on pensait impossibles ou exclusifs ; par extension, c’est toute la sociabilité qui se redessine sur la conception pratique des extases qu’on pourrait donner, recevoir, et même apprendre à donner et à recevoir à des partenaires encore inexpérimentés. Autrui n’est alors plus ce qu’il était, parce qu’on a traversé l’image et le tabou : on voyait en lui surtout l’esprit et tout au plus un corps auquel il ne fallait pas faire mal, on y découvre un corps de jouissance qui a tant d’impact sur l’esprit qu’il le peut facilement chavirer. Derrière une femme, un homme, on tâche désormais à deviner la mine d’abandon et d’orgasme ; les formes physiques qui favorisent l’imagination de ces émois – fesses, stature, lèvres, mains… – deviennent systématiquement l’objet premier des attentions, au point que, comme je l’ai évoqué plus haut, on ne s’en aperçoit plus et qu’on le nie comme quelque instinct ou intuition aussitôt oubliée. Un secret est révélé, d’une mystérieuse et irrésistible influence : c’est l’intimité véritable qu’on n’avait jamais sue à force de confondre la représentation sociale d’un soi convenable et la sensation sourde et vive d’un soi à la fois subi et voulu, dont on est matériellement issu et qui nous agit de façon directe. On avait réussi à emmêler l’envie et l’aspiration, ce qui demeurait tenable à condition de ne jamais permettre aux circonstances tangibles de l’envie de se réaliser sans préjudice : on laissait entendre, pour le dire en gros, qu’il fallait avoir le bonheur de se marier avant celui de connaître l’orgasme. L’esprit passait avant la chair, le média pour comprendre et investir soi était spirituel, et l’esprit se déforme et se corrompt plus aisément que la chair : on le moule par imprégnation, voici comme on put vous mentir, vous persuader et vous trahir. On vous enseigne que le sexe dans nombre de ses dimensions et peut-être dans la plupart est en quelque chose mauvais, vous le croyez évidemment… tant que vous n’avez pas mis « la main dessus" : après, évidemment, c’est difficile de continuer d’en convaincre. C’est ainsi que tout ce qui n’est jamais rapporté à un senshumain est du domaine peu contestable du concept qui échappe à tout critère : c’est seulement après le contact c’est-à-dire la réalité expérimentée qu’on établit le lien entre la chose et l’identité, et que le rapport intime à la chose émane de soi, qu’on s’en sent lié par une fonction humaine immanente et sourde, qu’elle réveille à la fois une réalité et une envie en nous, comme à la saveur d’un fruit s’animerait tout à coup le goût et le désir d’un homme alimenté toujours par perfusion. Comme maintes conceptions, on ne peut guère avoir une « idée » de la sexualité sans l’avoir vécue et à partir des seules imageries que la société si irréaliste et pudique expose : l’idée n’est alors qu’une réflexion « de tête », sans convocation des forces intérieures, sans la surrection où l’envie remonte irrésistiblement des profondeurs de soi. En toute expérience naît un mélange varié et primordial d’abandon et d’initiative que jamais la théorie ne convoque ou qu’à l’état d’extraits infinitésimaux. Il faut toujours en quelque chose qu’une sensation, rapport de réalité, soit mesure de vérité, d’une assertion conjecturée, autrement dit d’une parole ou d’un texte – c’est ainsi que je conçois tous mes articles comme une science appliquée dont il faut en premier lieu trouver des exemples empiriques. Ce qui ne se perçoit pas et ne fait que se disserter ne dispose d’aucun critère de vérité suffisante hormis sa « cohérence structurelle » dont on peut échafauder les absurdités les plus étroitement unies. Donnez-moi une preuve expérimentale, et je vous accorderai la vérité.

La contradiction de la morale sociale et de la morale du plaisir est certainement une des découvertes les plus flagrantes issues de la pratique sexuelle. On apprend alors extrêmement vite compte tenu de l’ampleur de la révélation que le principe, le fondement moral, par lequel la plupart des actes étaient défendus au titre notamment de la restriction des appétits individuels et de la prévention des nuisances faites à autrui peut se convertir en recherche inoffensive dont l’appréciation réciproque ne fait même plus aucun doute. Non seulement on voit avec un certain embarras mêlé d’assomption qu’on aime et qu’on veut la puissance après l’avoir si plaisamment testée, mais on constate avec une stupeur résultant à la fois d’une honte et d’une opportunité qu’un partenaire aime et veut la puissance qu’on exerce sur lui et qu’il exerce en contrepartie : cette conjonction se situe à la lisière d’une double transgression morale qui révolutionne notre rapport propret et ordonné à ce qui était juste et licite. C’est qu’on s’aperçoit qu’on peut obtenir la jouissance sur autrui, la tirer d’autrui comme d’un objet par l’expression d’une espèce de coercition impérieuse, et que ce qui le rend légitime c’est que ce n’est pas à son détriment mais bien à son profit, quoique la coïncidence semble improbable, extraordinaire, incroyable ! Au surplus, on se sent devenir bourreau, on inflige une force imprévisible, on en tire de l’orgueil en étant censé savoir que c’est répréhensible, sauf que c’est ce que la victime réclame et qu’il en résulte un plaisir partagé qui n’enfreint nulle part une volonté individuelle. La Loi soudain vole en éclat, tout se fragmente et explose, nulle retenue du pouvoir autoritaire d’une telle Loi ne semble plus interdire l’accès au plaisir. Dans cette nouvelle donne du consentement se crée inévitablement quelque trouble des frontières où persiste une prudence circonspecte et où l’on craint encore le blâme et l’interdit. Mais on peut franchir cette limite, et en revenir, et la traverser de nouveau et à volonté : il y a constamment près de soi ce vecteur de dépassement, toujours partant, appelant d’autres tentatives et transcendances, et qu’on nomme : un partenaire sexuel. C’est étourdissant comme de regarder d’en bas un gratte-ciel ou le ciel lui-même en disposant aisément et gratuitement d’un ascenseur ou d’un avion.

Mais cette transgression est bien ce que le corps appelle. C’est le soubassement foncier de soi qui s’ouvre et se libère. On se révèle, en même temps qu’un corps, des envies et des ruts. On redevient en se primitivant. On redécouvre la valeur authentique de la volonté personnelle. On ne dépend plus. On s’autonomise en recouvrant au moins une part de sa liberté morale, car c’est à soi seul de décider si l’on entreprend la sexualité telle qu’elle n’est indiquée nulle part. Et l’on doit assumer : ce gigantesque désir d’élucidation et d’explicitation, c’est indéniablement soi.

C’est qu’en effet, la nature des sexes mâle et femelle, leur conformation y compris en termes d’organes de plaisir, est intrinsèquement attachée à la notion mécanique d’encastrement et d’acharnement. L’homme a besoin de nier sa tendresse pour avoir une érection, et la femme réalise dans une certaine crainte sa plus forte lubrification. La pénétration du pénis traduit sans conteste un abus psychologique, et l’avalement de la vulve induit évidemment une frénésie. Le mouvement du phallus implique une insistance qui a cessé de demander des permissions, et le frottement sur les parois internes du vagin produit une stimulation qui conduit, comme une démangeaison, à l’affolement corporel et à une oblitération mentale au service de la jouissance. Même, je considère que l’excitation manuelle ou buccale consiste aussi en un surpassement des volontés du touché : c’est une pratique où, si l’on n’excède pas d’au moins un degré l’envie de son partenaire, on se trouve ennuyeux – la masturbation efficace d’autrui est un outrepassement de ses attentes de plaisir. Toute manipulation réifiante de l’autre, jeux de position où l’initiative a pour fonction de surprendre, soumissions et vengeances qui subvertissent, manières de réduire par mots ou variétés de coups l’image de qui l’on jouit, compressions, torsions, réductions, impassibilités, hargnes, hâtes et patiences qu’on dispense au constat de leur appel effectif, sont autant de cruautés octroyées qui s’inscrivent par essence dans l’ordonnancement du sexe, des nerfs, de la peau, des poumons, des membres… Dans le moment du rapport sexuel, une femme se sent-elle autrement des cheveux que pour que l’homme les tire ? des seins que pour qu’il les écrase et malmène ? une bouche que pour qu’il l’investisse d’une langue lourde ? Lui, se croit-il autrement des fesses que pour qu’elle les serre de ses jambes ? des oreilles que pour qu’elle y gémisse ? des abdominaux que pour qu’elle les emprisonne et y gesticule ? Et je prétends que le plaisir de ces efforts ne consiste pas qu’en la transgression : on n’a pas toujours appris avant de s’y livrer qu’ils étaient interdits ou méjugés, on ne se contente pas de suivre l’inverse d’un manuel de bonne conduite, on s’y adonne par instinct ainsi qu’au gré des réactions qu’on réalise, mais ce n’est ni par habitude ni par cogitation : cela vient spontanément sous le corps, la main veut se refermer sur cette cheville, la langue veut narguer ces lèvres, les cuisses veulent s’écarter et provoquer, le bas-ventre retentir et soumettre. Les irruptions et les enfreintes, les engouffrées et avalées, les manières de litige et de vertiges, le renoncement aux pichenettes et aux pincettes : cet ordre de démesures sociales est la mesure radicale des passions sexuelles. Bien des hommes et des femmes élevés suivant des mœurs policées ne peuvent s’empêcher d’abonder de pareilles volontés dont le souvenir, sitôt l’esprit refroidi, sitôt les esprits repris, les laissent tout hésitants et confus. La primauté de ces extases est ainsi à mon sens établie : contre ce que nous élaborons de mensonger ou de controuvé, d’artificiel et d’intellectualisé, se dresse, comme délicieusement inexorable, l’universalité des résurgences de la sexualité enivrante et frénétique.

Or, la poésie – car c’est de littérature que traite cet article et de mon rapport avec elle –, si elle souhaite convoquer avec véracité la pleine réalité des sentiments et non leurs expédients les plus décoratifs, doit donc célébrer la sexualité en premier lieu : ce sera l’étape initiale d’un vaste chant de rétablissement des affects humains selon sa consistance plutôt que sa fabrication. Je n’aurai pas de scrupule à célébrer la violence presque animale – mais pasanimale pourtant – des pulsions amorales largement partagées, s’il faut que je décrive l’homme tel qu’il est plutôt que tel que longtemps la poésie l’a idéalisé et ainsi a manqué si stupidement à le dépeindre par souci de continuer à correspondre à des critères moraux. On a assurément tort, un tort logique, méthodologique, généalogique, de commencer à versifier sur l’amour platonique et sur le goût du ciel et des roses : ces amour et goût sont des conséquences par rapport aux causes des envies physiologiques, et possiblement des lyrismes symboliques qui procèdent entièrement du sexe. C’est ainsi qu’au stade initial de mes investigations sur le cœur humain, j’établis que ce cœur est un sexe, et ne puis exclure que toute relation humaine et tout sentiment humain sont établis sur la sexualité, ou par assimilation ou par exclusion ; autrement dit, je dois estimer plausible et même très probable, à défaut de toute autre authenticité prouvée, que le modèle originel de la sociabilité normale et codifiée se situe dans ce qu’on poursuitou qu’on fuit dans le sexe. L’amour s’inscrivant dans les âges comme un héritage plutôt que comme une intuition, comme une somme de conventions successives plutôt que comme une expression immédiate – c’est, je crois l’avoir assez démontré, ce qui surprend tant dans la découverte de l’expérience sexuelle –, on devine combien les défenses sociales afférentes au sexe fécond c’est-à-dire aux craintes de l’enfantement, ont pu échafauder comme strates d’interdictions et modalités de précaution où la relation à autrui est restée figée par la préconisation de recul de l’envieet d’empêchement de la sexualité. Ce substrat peut suffire à expliquer toutes les pudeurs et retenues, et presque tous les tabous, même d’ordre religieux. Qui dira qu’il est naturel, spontané ou authentique, homme ou femme, dès que la contraception est facile, de s’interdire de demander uniment à quelqu’un sa disponibilité sexuelle ? Qui affirmera qu’il est pour la femme plus agréable de se faire ouvrir galamment la porte que de recevoir le compliment de l’appétit qu’elle suscite ? Qui déclarera que l’homme doit se sentir plus valorisé d’écrire une œuvre poétique que d’être remarqué pour son endurance par une multiplicité de partenaires sexuels ? Je veux faire entendre combien la façon dont l’idéal humain se conçoit est éloigné de ce qu’il y a de profitable, même de désirable, et innocemment, pour son corps et sa santé. Le roman de chevalerie, par exemple, fait prévaloir des hommes perpétuellement frustrés et aspirant à rendre des prestations à la Dame afin qu’elle soit assurée de sa fidélité, et donc de l’assomption finale de sa paternité – c’est en grande part sur ce modèle que continue de se forger l’amour des poètes – ; or, quel intérêt aujourd’hui une femme libérée des contraintes d’une grossesse fortuite peut-elle prendre à la soumission d’un homme plutôt qu’à sa grandeur et à sa puissance, et suivant quel dessein actuellement peut-elle considérer sa fidélité comme un avantage ? Tout cela est littérature et ne fait, semble-t-il, que perpétuer des modes de pensées révolus dont le maintien irréfléchi ralentit l’évolution sociale et morale. C’est alors toute une société de mœurs qui s’enferre dans un passé de traditions qui ne lui correspond plus mais dont elle ne cesse de recevoir et d’appliquer l’enseignement : c’est une transmission absurde, insensée, inactualisée et nuisible à son développement volontaire et spontané, qui, cependant, lui servira de fondement renouvelé, faute, une seule fois, d’examen et de sonde.

Une poésie qui parle au corps, qui suscite une réaction physique, dont la vérité se vérifie par la sensation pressentie : voilà ce qu’au moins je puis atteindre, au-delà – infra – des émois spirituels et paradoxaux qui complaisent d’élégances et de mondanités factices. Ainsi, le signe qui témoignera de mon atteinte réelle sera un signe physiologique : tremblement, respiration, excitation, innervation… Non que je compte absolument me limiter à cela – j’entends d’avance les moqueries à l’encontre de ce que le béotien regardera pour un « genre mineur », le répertoire exprès de vulgarités choquantes ou drôles, la potacherie secondaire et banale d’« études » avant les sujets poétiquement sérieux (que sont évidemment l’amour, le ciel et la rose !), mais je m’en moque, je n’écris pas pour ces négligents divertis, je n’écris que pour me comprendre, je suis la mesure de ce qui m’importe et donc de ce qui importe ; néanmoins, par la description de ce qui sans aucun doute fait partie de l’homme, je tiens une priorité matérielle et indéniable, une essence inaltérée, un point de départ et une pierre de touche. On s’est trop longtemps pâmé de mots d’esprit qu’il ne s’était même jamais agi de concrétiser ou de sensationnaliser, on a gâché du temps et des forces à entretenir des mythes plaisants, préciosités et chinoiseries occidentales sans lien patent avec l’intérieur et le profond, sans relation avec la réalité humaine, comme on fait des commentaires d’œuvres étrangères. On s’est réduit à l’extrémité au lieu de réinstruire le centre : on a disserté de la fleur, on a omis la sève. On est resté à la surface dont je crois qu’un attribut est la décence : la pudeur défend la peinture du vrai, c’est le prétexte à ne pas descendre au cœur de l’arbre, c’est la focalisation sur l’écorce qu’on cisèle et pagine. Je récuse les feuilles caressantes d’épiderme, glissant à la périphérie convenable du sentiment bienappris, et exige, moi, l’enfreinte et le viol, au moyen de doigts avides et lourds pour bien sonder le sexe, tout ce qui est de sa nature incontestable et primordiale, et réaliser de ces réactions qui sont comme des sursauts de pure vérité – le sexe et ensuite l’âme, si par degrés je parviens jusque-là.

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Commentaires
S
Texte terriblement phallocentré, totalement aveugle et sourd au discours féminin sur l'expérience sexuelle.<br /> <br /> 1 française sur 2 a des difficultés à avoir un orgasme, 30% des femmes simulent régulièrement (sondage IFOP) et cette vision viriliste de la sexualité n'y est pas pour rien.<br /> <br /> Ce passage démontre particulièrement l'aveuglement complet à tout un pan de la question : "quel intérêt aujourd’hui une femme libérée des contraintes d’une grossesse fortuite peut-elle prendre à la soumission d’un homme plutôt qu’à sa grandeur et à sa puissance". 14% des françaises se disent victimes de violences conjugales, presque 100 000 femmes par an victimes de viol ou tentative de viol, dans 91% des cas, ces agressions ont été perpétrées par une personne connue de la victime. Dans 47 % des cas, c’est le conjoint ou l’ex-conjoint qui est l’auteur des faits. Fréquenter sexuellement un homme est statistiquement dangereux pour une femme, bien au-delà du risque de grossesse.<br /> <br /> Vous n'avez pas la moindre idée des obstacles qu'une femme doit surmonter pour prendre réellement du plaisir avec un homme, vous simplifiez et bêtifiez tout en réduisant ça à des questions de pudeur infondée. Vous vous croyez original et transgressif à vouloir parler de sexe alors qu'il n'y a rien de plus banal, commun et inintéressant qu'un homme qui parle de son sexe : ils le font tous ! Ceux qui se distinguent sont justement les autres. C'est dans la "soumission" de l'homme pour reprendre votre terme axiologiquement connoté que la femme peut enfin trouver la sécurité de vivre sa sexualité, qui n'a rien à voir avec les représentations communes que les hommes en font, et encore moins les hommes qui pensent toujours que le vagin ressent quoi que ce soit alors que si l'on suit votre logique d'après laquelle la nature doit nous guider, il est fait pour qu'un nourrisson y passe ! Alors vous imaginez bien qu'on ne ressent quasiment rien du tout quand votre petite extrémité s'y introduit. La vérité est ailleurs, et je vous garantis qu'elle est bien plus symbolique que vous ne le pensez pour le versant féminin de l'affaire. Si seulement les femmes osaient écrire sur la question ! Mais non, on n'entend que vous, toujours vous...
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