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Henry War
27 décembre 2023

Remarque sur la distance sexuelle au corps de la femme

Je trouve qu’en général plus un homme prolonge un rapport sexuel avec une femme, plus il tend à l’humilier par la distance qu’il impose entre leurs corps – et réciproquement, peut-être. L’énervement lui impose progressivement de s’en servir comme objet de jouissance plutôt que d’affection ; ce qu’il câlinait naguère de proximités tendres comme cherchant à apprivoiser, il commence à le rompre avec des postures ressemblant à du dédain, à des simulacres de coups, et il agace par des usures détachées la féminité qu’il plie et réifie. Les emmêlements chaleureux se changent alors en tenues fermes, les caresses suaves en saisies torturantes, les modulations intérieures et confortables en pénétrations profondes et rudes, et cette altération nette s’entend au bruit des chairs qui claquent, nécessitant un élan c’est-à-dire un espace. Une sorte de rigueur belliqueuse investit l’étreinte, les assauts deviennent féroces, impitoyables et presque égoïstes, l’exaspéré se sent comme en lutte, et dans toute lutte réside la mise à l’écart : les agrippements rejettent plus qu’ils n’attirent, les regards s’offrent des mépris évoquant une négation de l’autre. Les deux amants s’observent, je crois, dans l’anomalie entraînante de cette union brisée qui est cependant une autre symbiose suprême mais animale, découvrant avec un effarement époumoné combien leur imbrication relève surtout de la machine frénétique d’une séparation perpétuelle, de l’éloignement des sexes plutôt que de leur rapprochement, et alors, il me semble, une part importante des chaleurs naît avec étonnement de l’aberration de corps qui désirent le simulacre d’une sécession par une espèce de viol. Peut-être, les insultes viennent à la bouche, ou bien les provocations ; on s’échauffe à vouloir la guerre, on réclame des mains non pour la sympathie des liaisons mais pour souffrir des liens qui tiennent à l’opposé ; tout devient avec folie une imitation de conflit, un fossé spirituel et physique qu’on entretient avec muscles et nerfs, même les jouissances qu’on prodigue ont un caractère de vengeance personnelle, de commandement, de hauteur. Il est un point de la sexualité où l’amour largue ses amarres complices, se délivre du quai des bienséances sentimentales, et offusque la terre, en chocs rougissants et délicieux : « faire l’amour » devient « baiser », quand précisément disparaît la pensée de la protection, ce cocon, ce blottissement, que débute, avec le vautrement, l’instinct de l’individuintègre et pur, et que se redresse l’orgueil de l’indépendance. « Je n’ai plus besoin de douceurs, se dit la fille, j’ai besoin à présent de différence », et le garçon, épanché un moment dans les consolations et précautions, s’effusionne par cette idée : « Tiens-toi loin des caresses de mon corps, et prends donc ce que tu excites avec un tel recul ! »

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