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Henry War
12 août 2022

L'été radieux des Boomers

On connaît tous un Boomer – et même plusieurs – pour déclarer qu’en telle année (il a bonne mémoire pour cela) – ses vacances d’été furent gâchées parce qu’il a plu environ quatre jours sur quatorze. Naguère, la condition d’un congé réussi était une météo radieuse, un soleil écrasant sans nuage, une constance de four propice au bronzage chargé de démontrer, de retour au travail, combien on avait « profité » – ostentation de finesse prédictive (on a eu la bonne idée de partir au bon moment ou au bon endroit) ou de réussite financière (on a eu les moyens de quitter le pays). Même aujourd’hui, cette génération n’admet pas en général que des vacances ont été opportunes si la moitié du temps, même sans pleuvoir, le temps fut simplement couvert.

Pourquoi, nés après eux, n’aurions-nous pas nous aussi l’insouciance de considérer la canicule comme un profit personnel ? Nous en sommes à nous morfondre d’être tentés de nous réjouir d’un ciel bleu uniforme propice aux corps dénudés : c’est injuste, je trouve, un fardeau inéquitable. Les Boomers pourront prétendre ce qu’ils veulent, ce n’est que depuis peu que le réchauffement climatique les inquiète – mais, retraités, ils sont à peu près comme en vacances toute l’année et ils n’ont plus à quérir quelque « fenêtre d’opportunité » dans la météo estivale. Nous sommes malheureux quand il pleut, malheureux quand le soleil tape, malheureux encore quand tout est tellement mitigé. Il semble qu’on ne nous ait permis d’arpenter le monde que pour nous plaindre de ses circonstances variées, comme une permission circonstancielle qu’on devrait mériter, comme s’il fallait trouver tout d’abord notre discrétion, et tout nous devient un soupçon, nous cherchons perpétuellement et convenablement quelque raison de désespérer. Ce désenchantement est une nuisance, une dépression, un abîme ; c’est irrationnel, un gâchis. On se consolerait plus justement en songeant que la plupart des problèmes – du climat et d’autres natures – sont le reflet de la bêtise humaine, qu’il est positif enfin que les hommes soient punis de leur stupidité contemporaine, qu’il y a toujours une justice dans la souffrance des imbéciles, même s’il faut que les autres soient compris dans la punition (mais les autres, heureusement, il n’y en a pas beaucoup) : le monde se corrigera quand il n’aura plus le choix ainsi que cela arrive toujours, et, s’il est déjà trop tard et que nous sommes condamnés à mourir, que cela ne nous empêche pas de vivre dans la vitalité le temps qu’il nous reste. Apprenons donc à mourir avec bonheur, puisque pour l’heure on ne sait qu’exister avec culpabilisation et endurement.

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